Abidjan, 16 décembre 2025 , La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, amorce un tournant stratégique dans sa lutte contre le changement climatique. Les résultats de l’étude intitulée « Identification et caractérisation des opportunités du marché carbone dans la zone cacaoyère de Côte d’Ivoire », présentés le 10 décembre 2025 à Abidjan par AETS Afrique, révèlent un potentiel considérable du marché carbone pour transformer durablement la filière cacao, tout en renforçant la résilience des producteurs et la préservation des écosystèmes.
Réalisée dans le cadre du projet Cacao durable, avec l’appui de l’Agence belge de coopération internationale (Enabel) et de l’Union européenne, l’étude met en évidence des opportunités concrètes de développement de projets carbone dans les zones cacaoyères, à un moment où la pression sur les forêts et les effets du dérèglement climatique menacent directement la durabilité de la production.
Cette restitution intervient dans un contexte national favorable, marqué par la création en 2024 du Bureau du Marché Carbone (BMC), chargé d’encadrer la génération et la commercialisation des crédits carbone en Côte d’Ivoire. L’objectif affiché est clair : faire du marché carbone un outil structurant de financement climatique, au service de l’agriculture durable et de la reconstitution du couvert forestier.
Selon Olivier Kargal, CEO de AETS Afrique, l’étude vise à identifier des projets capables de concilier performance environnementale, viabilité économique et impact social.
« La Côte d’Ivoire dispose d’environ six millions d’hectares éligibles. C’est une opportunité unique pour développer des projets carbone capables de générer des revenus tout en restaurant durablement les paysages forestiers », a-t-il expliqué.
Les conclusions de l’étude désignent l’agroforesterie cacaoyère comme le principal levier de génération de crédits carbone. En associant les cacaoyers à des essences forestières adaptées, ce modèle permet d’augmenter la séquestration du CO₂, d’améliorer la fertilité des sols et de sécuriser les rendements agricoles, tout en renforçant la résilience climatique des exploitations.
Deux zones à fort potentiel ont été identifiées : Dassioko, dans la région du Gbôklé (sud-ouest), et Arrah, dans la région du N’Zi (centre-est). Ces territoires présentent des atouts clés, notamment une organisation coopérative structurée, un accès foncier relativement sécurisé et une déforestation encore réversible. Autant de conditions favorables à la mise en place de projets carbone « bankables », susceptibles d’attirer investisseurs privés, fonds climat et acheteurs de crédits carbone.
Sur le plan économique, l’étude souligne que le marché carbone pourrait devenir une source complémentaire de revenus pour les producteurs de cacao. Les financements générés pourraient soutenir la replantation, l’ombrage arboré, la formation des planteurs et la diversification des activités agricoles, contribuant ainsi à réduire la vulnérabilité des ménages ruraux.
Pour Dr Tahi Mathias, directeur en charge de la lutte contre le changement climatique au Conseil du Café-Cacao, cette étude s’inscrit en cohérence avec les ambitions nationales.
« Le Conseil du Café-Cacao est aligné avec cette dynamique. Nous visons la plantation de 100 millions d’arbres d’ici 2035 et une réduction de plus de 33 % des émissions de gaz à effet de serre », a-t-il indiqué.
Toutefois, les participants ont souligné que la réussite de ces projets repose sur le respect strict des standards internationaux de certification carbone, la sécurisation juridique des initiatives et l’adhésion des communautés rurales, à travers le consentement libre, préalable et éclairé.
L’étude met également en lumière des défis majeurs, notamment les coûts élevés liés à la mesure, au suivi et à la vérification (MRV), à la certification et aux infrastructures nécessaires, ainsi que les risques liés à la volatilité des prix du carbone. Pour y répondre, AETS Afrique recommande des mécanismes de financement mixte, combinant subventions publiques, financements concessionnels et investissements privés.
Pour Rachel Boti Douayoua, experte en marché carbone au ministère de l’Environnement, le marché carbone constitue un levier essentiel pour atteindre les objectifs climatiques du pays.
« La Côte d’Ivoire s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le développement de projets carbone crédibles est indispensable pour concrétiser cette ambition », a-t-elle rappelé.
Les partenaires internationaux ont, de leur côté, réaffirmé leur engagement. La Belgique, fortement impliquée dans la filière cacao, a souligné l’importance d’encourager le secteur privé à investir dans les initiatives carbone, tandis qu’Enabel a insisté sur le potentiel du marché carbone pour améliorer durablement les revenus des producteurs.
À travers cette étude, la Côte d’Ivoire démontre que le marché carbone dépasse désormais le seul cadre environnemental. Il s’impose comme un outil économique stratégique, capable de concilier lutte contre le changement climatique, protection des forêts et développement rural inclusif.
Dans un contexte de crise climatique mondiale, le cacao ivoirien pourrait ainsi devenir non seulement un produit agricole d’exportation, mais aussi un levier de croissance verte et de justice climatique pour les communautés rurales.
RANDOHLE .A
AI Assistant
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